Plan 10 From Nanar Space


Imaginez : il est presque midi, dans un petit appartement de Bizzarville…

Vicki (un peu endormie… comme d’hab, quoi) : Tu regardes quoi, mon roudoudou ?

Spooky : Hum…

Vicki : Oh non…

Spooky : Si, si.

Vicki : Oh non ! Tu n’as pas osé ?!

Spooky : Oh si !

Vicki : Oh nooonnnn !

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Pendant que nos amoureux sont plongés dans cette conversation aussi éloquente qu’instructive, je me permets d’intervenir pour une explication à ce dialogue très peu platonicien…

Comme je suis le narrateur omniscient de ce récit, je vous explique de quoi il s’agit. Le film en question, qui suscita tant d’émotions de part et d’autre n’est pas un « film d’auteur » au fond philosophique et à la forme aussi curieusement esthétique mais un chef d’œuvre du nanar, un film culte de genre : le célébrissime Plan 9 From Outer Space du non moins fameux Ed Wood Jr.

Ed qui ?! entends-je certains me demander… Honte à eux de ne pas connaitre le nom de celui qui passe pour le plus ringard des réalisateurs de SF ! Celui qui obtint la distinction de plus mauvais réalisateur de tous les temps.


Mais dans ce cas, vous vous demandez sans doute comment et pourquoi un homme de si bon goût qu’est Spooky, s’est-il laissé aller à regarder un film de la trempe que Plan 9 From Outer Space ?

Il vous répondrait tout d’abord que c’est pour la culture cinématographique. Et il ajouterait que le visionnage du film de Burton sur Ed Wood, qui traite en partie de la réalisation de Plan 9, lui a fait forte impression. Il ajouterait qu’il y a surement beaucoup de choses à retenir de la vie de ce réalisateur malheureux et que sa persistance constitue une remarquable leçon pour tous ceux qui ont de l’ambition dans un domaine artistique car ils se heurtent et se heurteront souvent encore (peut-être toujours) aux échecs et aux moqueries. Ed Wood devrait être élevé en icône des petits artistes, car il a toujours cru à ce qu’il faisait et tous nous devrions porter un tee-shirt avec son portrait imprimé !

Mais Spooky ne s’arrêterait pas en si bon chemin. Inspiré par l’œuvre, il nous pondrait sans doute une critique ou du moins une tentative de critique de ce chef d’œuvre, écrit qui ressemblerait à s’y méprendre à peu près à ceci :


« Plan 9 From Outer Space (appelons-le d’emblée P9FOS, puisque nous vivons dans un siècle d’abréviations) passe pour être le nanar absolu. Une bonne raison, vous vous en doutez, pour que j’eusse eu (que c’est bien dit, non ??! XD) l’irrésistible besoin de le regarder.

Il faut dire que le scénario était des plus prometteur dans l’abracadabrantesque : figurez-vous que les extra-terrestres cherchent en vain de nous avertir, nous pauvres idiots de terriens que nous sommes, sur les dangers de l’utilisation de l’arme nucléaire. Ils ont bien vu quelle catastrophe nous courrons à vouloir nous aventurer dans un si projet aussi mortifère. Dépités par notre ignorance flagrante, offusqués par la réponse brutale des autorités américaines (= tirer dans le tas !) à l’avertissement diplomatique des visiteurs de l’espace, effrayés par les risques encourus pas seulement pour la planète Terre mais pour l’univers tout entier (oui, tant qu’à faire…), ils n’ont plus d’autres choix que d’appliquer le terrible Plan 9. Quid de ce plan si redoutable qu’il en fait presque trembler (des frémissements de rire, peut-être) le cameraman et les spectateurs ? Rien de moins que de ramener nos morts « à la vie » pour nous punir de notre comportement incorrigible. Aussitôt dit, aussitôt fait : les cimetières californiens sont peu à peu envahis par les dépouilles animés.

Enfin, pour être exact : par quelques dépouilles. Parce que n’oublions pas que nous sommes dans un film à petit budget (60000 dollars) et donc ce cher Ed Wood était limité niveau figurants. Pour rattraper l’affaire, il se concentre sur les apparitions affriolantes (ou affolantes, je ne sais pas trop, à vous de juger) de Vampira, du vrai-faux sosie de Bela Lugosi et même de sa troisième et dernière star du film : Tor Johnson, le catcheur tête d’affiche de son précédant Bride Of The Monster. Et voilà toute l’invasion des morts-vivants du film ! Ajoutez à cela trois extra-terrestres en pyjama, bien coiffés et maitrisant la langue anglaise, deux ou trois policiers qui font les cent pas dans le même coin de cimetière (décor limité, bien entendu) et deux pilotes hésitants dans un coque pite décoré d’un beau rideau de douche et vous obtenez l’essentiel de ce remarquable casting.


Ça sent le nanar, pensez-vous ?


Mais je ne vous ai pas encore parlé des soucoupes volantes suspendues par des fils VISIBLES à l’écran ou des successions sans aucun souci de vraisemblance de plans jour/nuit pour la même scène !

(pas la peine de vous montrer où est le fil, hein ?!)


(même scène, à quelque secondes d’intervalles… Si, si, on vous dit !)

Ne fuyez pas, voyons. Ce film est culte. Il faut le voir au moins une fois.

Moi, je l’ai déjà vu deux fois. Ça, Vicki ne le sait pas. Parce que je vais vous dire : je l’ai bien aimé, ce film avec tous ces défauts. On retrouve cette naïveté dont on parle tant dans ce genre de films. Ed Wood voulait faire des films et peu lui importait que tout soit parfaitement logique ! Il n’oubliait pas que le Cinéma, comme tout art, est un spectacle. Et après tout, n’y est-il pas parvenu ?

Conséquences d’un tel visionnage ? Moi, je cherche d’autres films du réalisateur pendant que Vicki songe à me faire interner. »


Note : le film étant tombé dans le domaine public, vous pouvez le trouver sur le net facilement. Attention, il n'est disponible qu'en VO.





Spooky.

Bouse(s) Fraîche(s) :

  1. Ah et si vous êtes encore plus fous (de ce chef d'oeuvre) que moi, vous pourriez être tentés pour le voir sur grand écran. Une séance est prévue à la cinémathèque française dans quelques jours...

    http://www.cinematheque.fr/fr/dans-salles/hommages-retrospectives/fiche-manifestation/plan-9-from-outer-space,13848.html

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